Le Tone Of Voice

4 avr. 2024

Stratégie de marque

5 min

Hello !

Un plaisir de vous retrouver cette semaine pour cet épisode avec mon premier invité... Jordan Maurin aka Menswearplease !

Avant de commencer, quelques mots sur cet homme
J'ai travaillé avec Jordan chez BonneGueule, il gérait l'image et le contenu dans mon équipe marketing. Créateur de contenus de talent, il partage sa passion pour la mode masculine sur son compte Insta auprès d'une communauté très engagée.

Allez découvrir son univers Menswearplease sur Insta !

Mais cet homme a de multiples facettes... Si je devais le définir, je dirais que c'est un compteur d'histoires authentiques, sincères et créatives. Il est désormais en freelance et les marques adorent son contenu qui sort de l'ordinaire. Il a un vrai talent pour créer une connexion avec l'audience des marques !
Bref, je trouve qu'il est assez unique en son genre <3 !

Et c'est aussi parce que c'est un mec bien que j'ai décidé de faire appel à lui pour imaginer le tone of voice de Howard's. Spoiler, c'est le nom de la marque dont je parle depuis le début ;).

Allez, sans transition, voici le programme du jour :

  • Ce que l'on doit savoir quand on travaille pour des marques premium.

  • L’utilité d’avoir un Tone of Voice.

  • Comment construit-on et conçoit-on un Tone of Voice ?


Mass market vs marque premium

Avant de laisser la parole à Jordan, je tenais, comme à mon habitude, à contextualiser un peu le sujet du jour. Je fais une veille quasi constante en consommant très régulièrement des newsletters des podcasts, en lisant LinkedIn aussi et je me rends compte que parfois on ne compare pas la même chose.

Ce qui m'agace un peu, c'est le côté académique : les best practices c'est ça alors il faut l'appliquer partout. Sur tous les marchés. Et bien non... Au contraire il faut avoir de la finesse, de la nuance, de la justesse. C'est ce qui fait toute la différence !

Par exemple, on parle souvent USP (User Selling Proposition), de promesse, de bénéfices produits, de répondre à un problème, de méthode AIDA (grosso modo : Accroche - Bénéfices - Preuve Sociale - Call to action) et j'en passe pour créer du contenu.

Quand je suis passé de BonneGueule à Wopilo et de Wopilo à BonneGueule, j'ai dû m'adapter à chaque fois. Le marketing n'est vraiment pas le même.

L'un n'est pas supérieur à l'autre. Ce n'est pas ce que je dis.

Bien sûr, je suis partisan de faire des ponts (et j'en ai fait) mais comme d'habitude il faut savoir qui on doit convaincre. Les attentes sont différentes :


Quand on travaille sur des marques premium, mettre en avant les bénéfices produits ne suffit pas. Il faut raconter une histoire, transmettre une émotion, créer une connexion et une confiance avec vos cibles.

Autrement dit, la recherche de la value for money n'est plus le fond du sujet. La qualité du produit, de l'expérience client globale devient un prérequis et n'est plus un avantage concurrentiel à part entière.

C'est pour cette raison, que plus on monte en gamme :

  • Plus l'expérience est personnalisée et exclusive sur tous les touch points avant, pendant et après achat. Tout est fait pour valoriser un maximum chaque personne.

  • Plus le fond prend le pas sur la forme : il faut systématiquement du sens et rien n'est convenu. Savoir-faire, histoire de la marque, engagement etc. Tout ce qui peut contribuer au prestige constitue les arcs narratifs du storytelling.

  • Plus la forme sublime le fond : l'un ne va pas sans l'autre, l'aspect esthétique est aussi un pré-requis pour figurer parmi les marques premium.

Inutile de te dire que si tu n'as pas un tone of voice spécifique, c'est très compliqué.Allez, je m'arrête ici et je passe la balle à Jordan. Il a pleins de choses intéressantes à partager ;)

Comment construit-on et conçoit-on un Tone of Voice ?

Imagine.

Tu entres pour la première fois dans la nouvelle boulangerie qui vient d’ouvrir près de chez toi. La personne t’accueille d’un joyeux “bonjour”, les phrases sont longues et chantantes, elle te tutoie et ponctue l’au revoir d’un guilleret “Revenez nous voir surtout !”.

Un autre jour, tu y repasses. La même personne au comptoir. Elle grogne au lieu du “bonjour” de la dernière fois, elle fait des phrases courtes et te vouvoie. Elle finit par un “au revoir” monotone.

Est-ce que tu reviendras dans cette boulangerie ?

Peut-être. Si tu es un psychiatre curieux de découvrir l’ensemble des personnalités de cette boulangère. Mais moi, je passe mon chemin.La raison : tu n’as pas confiance en quelqu’un de changeant à ce point. Car la manière de s’exprimer est le reflet direct de la manière de penser et indirectement de tout le socle de valeurs.

Pour une marque, c’est tout l’enjeu : inspirer confiance et maintenir cette confiance. Et le Tone of Voice joue pour beaucoup dans la construction de cette confiance.

Cette voix, comme celle d’une personne doit :

  • Être toujours la même

  • Être reconnaissable par son registre de langue (littéraire, soutenu, courant…)

  • Être reconnaissable par son vocabulaire

Bref, il doit être unique, une véritable personnalité doit transparaître. Et j’ajoute que ça peut être un véritable casse-tête de le maintenir à tous les points de contact avec le client et par l’intermédiaire de toutes les personnes qui doivent l’imiter.

Cependant, c’est possible. Regarde Percival. Regarde Reformation. Regarde S.E.H Kelly.

Cette voix n’est que le reflet des valeurs fondatrices de la marque et de sa différence. Elle s’appuie sur la raison d’être de la marque. Si cette dernière est inexistante ou faible, le Tone of Voice le sera aussi.

Exprimer la raison d’être de la marque

Le milieu social joue beaucoup dans notre ToV (=Tone of Voice) personnel. Ça se joue dans le détail. On peut essayer de gommer mais l’artificiel se remarque à chaque fois. C’est pourquoi, le Tone of Voice ne doit jamais être forcé.

Et même, je pourrais dire que je ne le crée pas mais plutôt je tire le fil de la conversation. J’écoute et en capture l’essence pour le retranscrire.

Si Florian a bien fait son travail dans l’immersion avec le fondateur ou la fondatrice, j’ai tout de suite un certain nombre d’éléments qui sont des pistes.

Si la raison d’être de la marque n’est pas clairement identifiée, le ToV sera bancal. Cela peut se passer par exemple si une marque est installée depuis longtemps et que les personnes qui l’ont fondée ne sont plus là. (Cela nous est arrivé.) La marque s’est développée autour de valeurs qui ont bougé.

Dans ce cas-là, avant même de parler de construire un ToV, il faut retrouver les valeurs fondatrices, le moteur de l’entreprise, la mission qui sous-tend chaque action. Sans ça, le ToV (même s’il est reconnaissable) ne donnera pas confiance en la marque.

Alors oui, on peut étudier si profondément les personas qu’on mette au point un ToV qui ne dessert pas la marque mais la marque ne sera pas mémorable.La forme n’est rien sans le fond.


Au-delà des valeurs et de la purpose de la marque (ep n°4 - Au cœur de la plateforme de marque), ce que nous faisons maintenant pour y voir plus clair et mettre des mots précis sur tout ça, c’est de faire choisir à la personne de référence de la marque entre plusieurs propositions de mots.

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Ça pose le sujet. Et souvent, quand la personne est dans une véritable démarche de transparence, le choix ne surprend pas.Ça nous donne un point d’appui pour gratter ensuite la surface. Et le jeu de piste continue. On fait se recouper les éléments glanés.

Assez vite, on va pouvoir déterminer un registre de langue.

Comment définir son registre de langue ?

Est-ce que la marque vouvoie ? Est-ce qu’elle tutoie ? Est-ce que si elle parle de bijoux, elle dirait “ornements” ou “breloques” ? Est-ce que les phrases sont robotiques ou est-ce qu’elle laisse entrer de l’oralité dans son discours ?

Je ne vais pas te mentir, il y a une part de feeling. Jusque-là, c’était calqué sur le registre de langue des fondateurs et fondatrices. Et c’était parfaitement aligné avec la marque.

Il y a aussi une question de qualité de produit et de positionnement prix. Et donc de clientèle. Disons que cela vient moduler. Comme avec Howard’s par exemple.Au départ, pour moi, le bon équilibre pour Howard’s, c’était 70% de “nous” et “30%” de “on”. Donc privilégier le “nous” dans la plupart des interactions mais ne pas exclure le “on”. 30% ce n’est pas rien.

Mais cela a été pondéré par les personas. Notamment, le persona principal, CSP+, avocat par exemple auquel une utilisation trop régulière du “on” pouvait déplaire. Donc maintenant, et ça plaira à Pareto, c’est 80-20.

Et c’est un détail qui n’en est pas un. Surtout lorsqu’un nouvel employé doit se saisir du ToV pour communiquer sur les différents points de contact.

Comment définir son vocabulaire

Là, on entre dans le dur.

Certains mots sonneraient faux dans votre bouche. Vos proches sauraient le détecter. Et si on prend la chose dans l’autre sens, le vocabulaire peut apporter une signature particulière aux phrases.

Par exemple, chez Rolex, le mot “perpétuel” est particulièrement utilisé dans son storytelling, jusqu’au modèle Oyster Perpetual. Cela permet de donner un certain timbre de voix à ce Tone of Voice.

Nous devons donc définir les contours du vocabulaire en sélectionnant soigneusement des mots particuliers qu’on ne lira ou n’entendra que chez la marque sur laquelle on travaille. Ces mots doivent refléter les valeurs de celle-ci, sa personnalité et sonner juste pour les clients visés.

Il vaut mieux définir peu de mots mais les choisir précisément.

Voici notre méthode de définition du vocabulaire :

  • 5 à 10 verbes pour les actions de la marque (pour Howard’s, il avait par exemple “choyer” (ses clients), “se dévouer” (à notre métier, nos clients)…)

  • 5 à 10 mots ou groupes de mots pour évoquer le produit (pour Howard’s, il y avait par exemple “perfectionner”, “magnifier”, “savoir-mieux-faire”…)

  • 3 mots par personas + 1 mot mélioratif pour le désigner (Howard’s : “L’initié” est “averti”, “éclairé” et “rigoureux”).

De cette manière, lorsqu’une personne doit s’adresser à un persona en particulier, en reprenant les mots qui caractérisent ce persona, elle est capable d’atteindre plus facilement des cordes sensibles et le client se sent ainsi, non seulement en confiance, mais aussi compris et écouté.

  • 5 call to action : ce sont les expressions que l’on va utiliser pour faire cliquer (ex. le bouton sur une bannière du site). Pour Howard’s, nous avons voulu rester très neutre et informatif : “découvrir”, “s’équiper”…

Parfois le ToV peut venir complexifier une action qui doit être simple. Si la photo de cette bannière prise en exemple est suffisamment parlante, il n’y a pas besoin de surcharger avec un texte plein de personnalité. Parfois, le ToV doit simplement se mettre en sourdine. Car il ne doit pas oublier qu’il n’est pas le seul à déterminer la personnalité de la marque : il y a aussi la direction artistique entre mille autres choses…

  • 5 à 10 mots pour définir les émotions. Ce sont les émotions et sentiment que l’on veut inspirer. Pour Howard’s : “confiance”, “plaisir”, “assurance”…

C’est crucial pour écrire du contenu qui fait mouche. Et ne pas se disperser.

  • Parfois, certains mots sont pertinents mais n’entrent pas dans les catégories du dessus. Il faut bien sûr les noter précieusement. Nous les classons dans “Autres mots”.

  • 5 punchlines principales. C’est un peu notre différence avec Facettes, je pense. Parce qu’on n’hésite pas à plonger dans de l’applicatif. On imagine des punchlines qui sont évidemment particulières à la marque et qui sont susceptibles de faire cliquer ou adhérer à un message. Pour Howard’s, nous avions par exemple : “Le culte du détail” ou “Tirer le fil de l’excellence”.

  • 5 punchlines secondaires parce qu’on est vraiment sympas !  Même principe que précédemment pour des sujets secondaires ou pour les moments moins cruciaux dans l’activité de la marque (entre deux lancements ou dans une période de creux). Ex. “La veste qui a du cran”.

    Un extrait du vocabulaire et des punchlines dont parlait Jordan. Et bien sûr il y aura un beau brandbook mis en page par Justine et Margot du studio Martine par la suite.

La suite, c’est quoi ?

Après avoir défini et validé tout ça avec la marque, vient le temps de plonger dans la pratique. En prenant un produit existant de la marque, Florian et moi imaginons un lancement efficace pour mettre en pratique ce Tone of Voice :

  • Un mail de lancement

  • Une landing page

  • Une vidéo de lancement (définition du contenu sans la tourner évidemment)

  • Une page de vente

  • Une story Instagram

  • Un post Instagram

À chaque fois bien sûr, on rappelle la théorie. Cela permet de plaquer un éclairage limpide sur la pratique et nous permet par exemple de parler de :

  • Comment écrire un bon titre

  • Comment écrire une bonne histoire qui fait vendre

  • Comment écrire un paragraphe qui donne envie d’en savoir plus

Et beaucoup d’autres points. Cela permet à la marque d’avoir un ensemble de règles qui jalonnent ses prises de parole, des grands principes jusqu’aux punchlines.

Note de Florian : c'est un mini playbook avec des règles, des Do and Don't = du concret pour que ce soit réplicable par l'équipe interne de la marque

Bref, tout ce travail donne une voix unique et reconnaissable à la marque.

Dans le prochain épisode...

On continue avec des nouveaux invités. Oui, c'est au pluriel car c'est Justine et Margot de Martine qui te parleront de Direction Artistique. Attention, on ne va pas tout te dévoiler pour l'instant ;)

Dans les grandes lignes :

  • L'utilité d'avoir deux moodboards et pas un seul.

  • Comment construit-on un moodboard ?

  • Quelques exemples concrets ;)